Tribune publiée dans le le Journal du Net le 14 février 2024.
Le digital contribue certainement à un immobilier tertiaire plus vertueux, à condition que la gestion attentive des flux utilisateurs et de la donnée soit au cœur de tout projet smart building.
Le digital, allié nécessaire de toute transformation
L’hybridation du travail a accéléré le nomadisme des collaborateurs et par la même leurs besoins pour des environnements de travails toujours plus ATAWAD (any time, any where, any device). La quête d’attractivité des entreprises a mis en exergue des attentes toujours plus fortes pour des environnements toujours plus serviciels et tournés vers l’expérience utilisateur. La crise économique a quant à elle contraint les organisations à devoir rationaliser leur immobilier professionnel avec une rigueur sans précédent. Enfin, la crise énergétique et la prise de conscience écologique ont accentué la recherche de tous, entreprises et collaborateurs, pour des espaces de travail toujours plus durables. Autant d’enjeux qui ont conduit, « à juste titre », les entreprises à accélérer sur la voie du smart building : selon une étude, le nombre de bâtiments déployant des technologies dites intelligentes atteindra 115 millions dans le monde en 2026, contre 45 millions en 2022.
Aujourd’hui, piloter la consommation énergétique en fonction des usages
« A juste titre », car les technologies smart building regorgent d’atouts dans la quête de bâtiments plus responsables. L’un des premiers est qu’elles permettent de considérer les bâtiments comme des plateformes de services. Des services qui facilitent, grâce à l’IoT, le pilotage intelligent de leur consommation énergétique, de l’occupation des salles, de l’entretien des différents équipements ou encore des interventions de prestataires. Par exemple, les systèmes d’information des bâtiments intelligents permettent de contrôler et d’ajuster la consommation d’énergie en fonction des besoins réels : les capteurs de présence peuvent détecter quand une pièce est inoccupée et ajuster automatiquement l’éclairage et le chauffage pour économiser de l’énergie. De plus, les systèmes de climatisation peuvent être optimisés en fonction de la température extérieure et des conditions météorologiques.
Demain, anticiper sur les usages pour mieux consommer
Si elles permettent, à un instant T, de mieux piloter les consommations énergétiques en fonction des usages, les technologies smart ont également un autre atout : celui d’une meilleure prédictibilité du fonctionnement des bâtiments. Grâce à l’utilisation de données et de technologies avancées, les smart buildings peuvent ainsi anticiper leurs besoins en énergie et leurs schémas de consommation. Ils peuvent aussi planifier et réagir de manière proactive pour minimiser les gaspillages. Plus prédictifs, plus apprenants, plus autonomes, ils deviennent moins énergivores.
En continu, garantir une maintenance proactive optimale
Troisième atout du smart building en termes d’éco-responsabilité : une architecture intelligente est capable de référencer tous les équipements actifs d’un bâtiment (l’accès au bâtiment, la ventilation, l’éclairage, la fourniture d’eau, les ascenseurs, etc.) de façon à en assurer une maintenance proactive. Elle permet ainsi de surveiller en temps réel l’état des équipements et des systèmes, détectant les problèmes potentiels avant qu’ils ne deviennent des pannes majeures, réduisant les interruptions et la nécessité de remplacements fréquents, prolongeant ainsi la durée de vie des équipements et réduisant les déchets.
L’individu au cœur de toute approche durable
On le voit, les technologies smart building assurent un meilleur pilotage du bâtiment pour en optimiser sa consommation énergétique, rationalisent son fonctionnement et contribuent à sa plus grande durabilité tout le long de son cycle de vie. A condition toutefois de respecter deux éléments centraux de toute démarche smart. Le premier est la prise en compte de l’utilisateur. Les preneurs et exploitants doivent garder en tête la finalité même de leurs bâtiments : des centres de services tournés vers l’utilisateur. Ce dernier doit être le point de départ, de la réflexion au déploiement, de tout projet smart. L’effet de levier le plus important en matière de rationalisation des m² et de réduction de l’empreinte carbone d’un site consiste en l’occupation de ce site. Et donc dans la bonne compréhension de ses flux de personnes, plutôt quand sa taille ou son nombre de pièces. Tout comme l’individu est le pivot des données d’usage issues des applications digitales smart workplace externes au bâtiment (réservation de salles, de parking, etc.), il doit aussi l’être pour les données bâtimentaires.
Pas de smart building vertueux sans data souveraine et sécurisée
Le deuxième élément-clef de toute digitalisation intelligente et responsable des bâtiments est le rôle central donné à la data : ce qu’elle est, d’où elle provient, comment elle est identifiée, traitée et exploitée, pourquoi et par qui. Ceci est crucial à deux titres. Premièrement, parce que si l’on déploie un projet smart c’est bien pour rendre un service dont la dimension temps réel est prégnante. Les architectures logicielles mises en place se doivent de répondre sur des unités de temps de l’ordre de quelques centaines de milliers de millisecondes. Cette notion de temps réel est essentielle à la fois par rapport au service rendu à l’utilisateur et par rapport à l’efficacité du smart building dans son ensemble. Tout l’enjeu sera donc de pouvoir s’appuyer sur une donnée suffisamment nombreuse et de qualité pour pouvoir proposer des solutions pérennes garantes de la confiance dans les services numériques offerts : des services souverains, cyber sécurisés, capables de répondre aux exigences réglementaires à la fois en matière de gestion des risques IT et de respect des données personnelles (RGPD).
On le voit, concevoir des bâtiments à la fois intelligents et durables relève d’une grande expertise. Cela nécessite aussi d’avoir une vision réaliste de ses conditions de succès. Et d’un peu de parti-pris : militer pour que les architectures smart s’adaptent aux infrastructures déjà existantes et pas l’inverse. Faire évoluer les services en tenant compte de l’existant doit être le fil rouge de tout projet smart building.
Pascal Zératès, Directeur Général de Kardham Digital.