Digitaliser les immeubles de bureaux pour faire du « bon travail »

Tribune publiée dans le Journal du Net le 3 juillet 2024.

 

Par Pascal Zératès, Directeur Général, Kardham Digital et Nicolas Cochard, Directeur R&D, Kardham

 

Depuis le début du XXIe siècle, l’expression NWOW (New Ways of Working) a fait florès. La digitalisation du travail constitue le cœur du déploiement des nouveaux modes de travail que l’on peut succinctement définir comme plus nomades, plus hybrides et plus flexibles. Le plus souvent, on illustre les NWOW par l’utilisation de terminaux numériques tels que les smartphones et les ordinateurs portables. Mais n’oublions pas une chose simple : le travail se fait principalement dans des bâtiments et leur digitalisation constitue le principal levier des NWOW. Pour s’en convaincre, il suffit d’imaginer une journée de travail avec une difficile utilisation du digital sous toutes ses formes : la performance et la satisfaction ne seront pas au rendez-vous. Pour que le parcours des utilisateurs des immeubles tertiaires soit le plus fluide possible, que l’expérience de travail qu’ils vivent soit la plus satisfaisante, la digitalisation du bâtiment est essentielle. Le confort fonctionnel est une dimension prégnante de la satisfaction d’un travailleur vis-à-vis de son environnement de travail. Il se définit par la capacité de l’environnement de travail d’être une ressource pour faire du bon travail. Mais quelle place occupe le digital pour le travailleur qui veut faire du bon travail ?

 

Le confort fonctionnel : pouvoir bien travailler

 

Le pilier du confort fonctionnel réside dans la notion de contrôle. Lorsqu’un occupant a le sentiment de contrôler partiellement son environnement de travail, sa satisfaction et sa performance perçues augmentent. Cela passe notamment par le contrôle de son parcours spatial. Prenons le seul exemple d’une réunion puisque nous faisons tous régulièrement des expériences insatisfaisantes à ce sujet. Indiquer sa présence sur site, pouvoir réserver efficacement la salle, effectuer cette réunion en mode hybride de la manière la plus fluide qui soit avec une connexion rapide et fiable, pouvoir réguler la température ou partager des documents rapidement en visio sont des fondamentaux du confort fonctionnel qui sont facilités par l’infrastructure digitale. Le travail hybride rend ces fondamentaux encore plus importants car, négligés, ils peuvent venir détériorer la journée de travail pour le salarié sur site ou le salarié en télétravail d’ailleurs. Ce simple exemple issu du quotidien des travailleurs de bureau suffit à faire le lien avec les usages puisque les outils digitaux ont vocation à répondre aux usages réels des travailleurs afin de leur faciliter le travail. A travers cette dimension du confort, on mesure l’importance du digital dans la QVT et dans la capacité des lieux de travail d’offrir une expérience satisfaisante au travail, raison qui fait que les salariés viennent plus facilement au bureau. Depuis la crise sanitaire, beaucoup de dirigeants et/ou managers se posent en effet la question de savoir COMMENT faire revenir les salariés au bureau. Mais la question la plus pertinente serait de savoir POURQUOI ils reviendraient. L’un des éléments de réponse se trouve dans le smart workplace, entendu pour le salarié comme un espace de travail qui lui permet de mieux contrôler son parcours quotidien et pour l’organisation comme la capacité de pouvoir mieux gérer et anticiper la vie du site. Fait-on du bon travail si la journée est parsemée de problèmes avec le digital ?

 

Les usages : pouvoir les faire évoluer

 

Les usages sont évolutifs par nature mais la plupart du temps, ils évoluent plus rapidement que l’espace, objet moins malléable et qui risque donc d’être partiellement inadapté. Reprenons l’exemple de nos réunions. La conception des espaces a souvent attribué aux salles de réunion des effectifs de 6, 8, 10 ou même 12 personnes. La captation et l’analyse de données, notamment en contexte de travail hybride, permet d’objectiver l’utilisation réelle des espaces. Concernant les salles de réunion, on constate par exemple une très faible utilisation des salles par plus de 6 personnes, les réunions se faisant le plus souvent avec des effectifs moindres. Il y a donc là une question d’inadéquation de la ressource avec l’usage. Le digital, dans sa dimension data, est un outil de recueil d’informations qui, une fois collectées et analysées, facilitent l’ajustement de l’espace par rapport aux usages par leur modélisation, leur prédiction, au service de l’anticipation. Anticiper les usages est un enjeu majeur des organisations, et pas seulement sous l’angle des coûts que représente un m2 mal exploité. En effet, garantir l’adéquation entre l’outil de travail que constitue l’espace et les usages et besoins est un impératif pour la performance individuelle, collective et organisationnelle. Fait-on du bon travail avec un outil inadéquat ?

 

La stratégie : intégrer le digital

 

C’est pour cette raison que la dimension digitale de l’environnement de travail doit être intégrée à toute transformation immobilière et finalement organisationnelle. Considérer le digital de manière intégrée revient à faire en sorte que le système nerveux du bâtiment soit pensé parallèlement à son squelette et à ses muscles. C’est ainsi que l’on peut concrètement faire du digital un élément d’une stratégie. De ce fait, si l’on peut initialement penser que le digital adresse uniquement des sujets techniques, ce sont en définitive des sujets humains et organisationnels qui en sont la finalité. C’est pour cela que les parties-prenantes de la dimension digitale des transformations dans les organisations sont aussi bien les acteurs de l’informatique, des ressources humaines, de la finance, des environnements de travail ou de l’immobilier. Et disons-le simplement : la technique n’est jamais qu’un moyen et non une fin. L’ambition d’une transformation qui associe l’immobilier et le digital est donc stratégique puisqu’elle a pour objectif la conception puis l’exploitation d’un outil de travail et d’un lieu de vie performants. La phase de conception, le design & build, est absolument cruciale puisqu’elle pose les bases d’une espace de travail ressource. Toutefois, la phase d’exploitation, le run, l’est tout autant puisqu’il s’agit de monitorer et piloter un espace. L’espace et les organisations sont des objets vivants, il faut donc s’assurer que l’habitat reste adapté à l’habitant dans le temps. Fait-on du bon travail avec un outil qui s’use avec le temps ?

On l’aura compris, la digitalisation d’un immeuble de bureaux n’est pas qu’une question technique car la finalité est évidente : il est question de qualité de vie au travail. Le digital vient fluidifier les parcours quotidiens des travailleurs. Se rendre au bureau pour y faire du bon travail étant une source primordiale de satisfaction et de performance.

 

Pour aller plus loin, découvrez le récent ouvrage Stratégie Immobilière et performance au travail, publié par Kardham avec l’ADI aux Editions du Moniteur.