Tribune publiée dans le Journal du Net le 11 septembre 2024.
L’accélération du smart building invite une myriade d’acteurs IT à se positionner sur un marché à l’envol prometteur tout en interrogeant sur la pertinence de certains business modèles.
Seuls 6% des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m² sont dotés d’outils digitaux pour gérer efficacement l’énergie alors qu’il s’agit de réduire leur consommation de 60% d’ici 2050 selon étude Xerfi Precepta. Ce seul chiffre témoigne des perspectives prometteuses du smart building qui séduit entreprises de services, éditeurs de logiciels, intégrateurs, équipementiers ou encore start-ups.
Ces acteurs du digital s’associent à des leaders de la construction et des services multi-techniques qui disposent d’atouts considérables comme la connaissance intime des bâtiments et l’expertise en matière de maîtrise d’œuvre. S’il aiguise les appétits, le marché du smart building reste toutefois encore limité par un manque de lisibilité et de structuration de l’offre qui s’explique par la multitude des expertises en jeu ainsi que par les promesses et fonctionnalités aussi diverses que variées. Les clients peinent à comprendre la valeur ajoutée de l’offre des professionnels redoutant une accumulation contre-productive de solutions et de technologies inadaptées à leurs besoins. Et c’est sans oublier d’autres enjeux : une crise de l’immobilier de bureau qui peut grever les budgets alloués à la digitalisation des environnements de travail à laquelle s’ajoute l’évolution des usages qui accroît le défi de l’interopérabilité des solutions déployées dans le temps, ou encore la montée des risques en matière de cybersécurité en lien avec une intensification du travail hybride et une ouverture toujours plus grande de l’entreprise sur la Smart City. Alors qu’une vague de consolidation dans le milieu de la tech se profile déjà, le modèle de l’ESN pourrait bien, comme il l’a fait lors de l’avènement de l’industrie 4.0, tirer son épingle du jeu dans cette course à la smartisation des bâtiments.
Le sur-mesure
C’est souvent l’un des défis, ignoré mais bien réel, du smart building : l’absence de réplicabilité entre différents immeubles des solutions déployées. Or, dans le smart building, les plateformes logicielles doivent pouvoir répondre précisément aux exigences uniques de chaque projet, voire de chaque bâtiment dans un même portefeuille immobilier. Si les éditeurs sont des acteurs bien présents sur le marché du smart, la standardisation des plateformes qu’ils développent peut poser des problèmes d’adaptation bâtiment par bâtiment, avec une limite concernant leur interfaçage avec d’autres systèmes du projet. Rappelons que le smart building n’est pas uniquement une question de plateforme logicielle, mais aussi et surtout un sujet de services. Dans la réalité, le modèle de l’éditeur sera sûrement plus adapté pour les projets de smartisation de secteurs spécifiques générant du volume, comme c’est le cas dans le résidentiel. Et tant qu’il n’existera pas de GAFA du smart building, ce même modèle sera en revanche moins flexible pour agir au cas par cas et donc répondre aux besoins variés et uniques des bâtiments intelligents. Quant au modèle de l’intégrateur, il présente la limite de la dépendance aux roadmaps de plateformes tierces, et donc un manque de maîtrise sur la construction du projet, surtout en ce qui concerne les services à déployer.
Les usages avant la technique
Ce qui nous amène à évoquer la notion servicielle qui est au cœur du modèle de l’ESN : rendre son bâtiment intelligent implique d’adresser les besoins du client sous l’angle de l’usage avant de les adresser sous celui de la technologie. C’est l’usage qui détermine le type de solution technologique à retenir et non l’inverse, traduisant une notion de flexibilité et d’évolutivité essentielle dans le monde du smart : faire un bâtiment intelligent, c’est faire un bâtiment capable d’intégrer de nouveaux services et de répondre à des usages actuels tout en ayant la possibilité d’adresser des usages futurs. Par exemple, l’intégration de l’intelligence artificielle ouvre la voie à des ouvrages de plus en plus autonomes, aptes à prédire les besoins grâce à des modèles de machine learning. L’ESN est ainsi un modèle d’accompagnement de co-construction de solutions versus d’autres modèles où l’approche est guidée par des roadmaps techniques.
Eviter la mille-feuille technologique
Rendre un bâtiment intelligent implique par ailleurs de savoir adopter une approche holistique de son système d’information. Il faut pouvoir traiter un large éventail de sujets, allant du workplace au développement applicatif, en passant par l’exploitation du bâtiment, le pilotage énergétique basé sur les usages ou encore la cybersécurité. Cela implique donc d’avoir le potentiel d’intégrer des technologies variées – IoT, intelligence artificielle, cloud, cybersécurité – dans une seule plateforme cohérente. Une condition de succès du bâtiment intelligent que l’ESN a bien compris puisqu’elle peut assurer une gestion intégrée et optimisée du bâtiment en s’affranchissant des complexités liées à la multiplicité des fournisseurs et des technologies. On comprendra aisément que d’autres modèles qui font appel à des solutions logicielles diverses pour les assembler et tenter d’en exploiter le tout, pourront paraître moins appropriés : le « patchwork » de solutions complexifie la gestion et l’évolution des systèmes.
Economies d’échelle
C’est un corollaire de l’approche intégrée et elle n’est pas des moindres : la réduction des coûts et des risques ainsi que l’optimisation des ressources. En couvrant en interne l’ensemble du spectre des services nécessaires à la gestion d’un bâtiment intelligent et donc en disposant de l’ensemble des compétences techniques diversifiées et spécialisées indispensables, l’ESN réduit les coûts et risques associés à la coordination de multiples fournisseurs. Par ailleurs, en optimisant les technologies déployées, elle peut assurer une meilleure rentabilité des investissements.
L’ESN se distingue par sa capacité à offrir des solutions intégrées, flexibles et évolutives adaptées aux besoins spécifiques de chaque projet smart. En regroupant une expertise technique diversifiée et en assurant une gestion cohérente et optimisée des technologies, elle se positionne comme un acteur pertinent pour rendre les bâtiments plus intelligents, plus autonomes et accompagner les entreprises dans leurs projets de smartisation. Les chiffres sont là : Numeum prévoit une croissance de +5,8 % pour le marché du numérique en France 2024 prouvant ici encore le besoin structurant des entreprises tricolores de continuer leurs transformations et leurs investissements dans les services et solutions numériques. Une belle résistance dans un contexte économique compliqué qui amènera le marché à atteindre 70 milliards d’euros dont environ 51% aux mains des ESN selon la conférence semestrielle Numeum de décembre 2023.
Pascal Zératès, Directeur Général de Kardham Digital.